Intégration sociale

Qu’est-ce que l’intégration

  • = inclusion, être dedans, faire partie de
  • = ancrage
  • = affiliation => faire / avoir / être des liens
  • = participer
  • la citoyenneté
  • mode d’attachement des individus à la société
  • responsabilité individuelle: « vouloir-vivre ensemble »
    responsabilité collective: l’état doit « assurer solidarité et moralité » afin de remplacer la famille, l’église et palier au développement de l’individuation suite à un affaiblissement de la « conscience collective »1
  • ≠ anomie (Durkheim, De la Division du travail social et le Suicide)
  • ≠ exclusion
  • ≠ marginalité
  • ≠ aliénation (Marx, les Manuscrits de 1844 / Touraine et al., 1967 )
  • qu’est-ce que c’est ne pas être intégrer (=> Castel

Définition

« Bien que le concept de l’intégration fasse toujours l’objet d’un débat (pour un excellent aperçu, se reporter à Castles et al., 2003) – ce qu’il signifie, qui le définit et à quelles fins –, nous ferons appel pour cet article à une définition très générale qui met en évidence certains des principaux éléments à prendre en considération lors du processus d’intervention : L’intégration concerne les immigrés qui se stabilisent sur le territoire et qui, avec le temps et par leurs enfants, finissent par devenir partie intégrante de la société d’accueil (Blanc-Chaléard, 2004). « Stabiliser » constitue ici le concept important. Dès que la demande d’asile est déposée, il faudra aux demandeurs de l’assistance pour stabiliser leur situation matérielle, sociale et émotionnelle. » 2

La notion d’intégration est souvent associée à deux autres notions proches: l’insertion et l’assimilation.

« Insérer signifie introduire, inclure d’une manière spécifique : il n’y a pas modification de ce qui est inséré par le fait de son appartenance à un nouvel ensemble. Le sens d’insertion est mécanique et réversible : mettre dans ou entre, intercaler (insérer un article dans un journal). Ce qui est inséré reste le même. Dans l’expression insertion professionnelle ou dans celle d’insertion sociale, on signifie l’inclusion dans une entreprise ou une organisation. Celle-ci est réversible. L’appartenance des individus est mécanique : il peuvent être désinsérés car insérés pour un temps seulement. Ce retour à l’état antérieur est supposé les trouver identiques à eux-mêmes, l’insertion ne les modifie pas plus dans leur définition que la désinsertion. On peut d’ailleurs envisager la réinsertion comme mouvement de retour à l’appartenance sur le même mode.

L’assimilation à l’inverse signifient absorption radicale, une sorte de digestion sociale. L’identité d’origine disparaît totalement. L’assimilé est englouti, transformé sans réserve et sans retour. Le sens de la notion d’assimilation est d’abord logique : assimiler un cas à un autre, c’est le considérer comme semblable. L’assimilation est l’acte de l’esprit qui considère comme semblables deux entités d’abord perçues comme différentes. Assimiler amène à confondre. Plus tard, le sens logique s’étend et la physiologie désigne par l’expression fonction d’assimilation le fait de s’approprier, de faire sien. Un corps vivant assimile de la nourriture, fait disparaître la différence, se l’approprie, l’inclut dans sa propre identité.

Le processus est bien irréversible, l’assimilé change totalement de nature, son identité première disparaît. On trouve des formes connexes d’expression de cette transformation radicale. Rapporté aux étrangers : naturalisé – assimilé au naturel du pays, l’étranger est devenu autre, ayant acquis une nouvelle identité ; incorporé – incorporé dans l’armée par exemple (Les signes de l’assimilation pour l’étranger ne sont pas le changement de statut juridique ou la position économique, mais la modification fondamentale de l’identité culturelle : mariage mixte, abandon des pratiques ou interdits alimentaires, sépulture dans le pays d’accueil, etc… Contrairement à ce qu’affirment Taguieff et Weil (« Immigration, fait national et citoyenneté », Esprit, mai 1990), la « synthèse républicaine » n’assimile pas à proprement parler). L’assimilation et l’insertion sont bien deux modes assez différents du changement d’appartenance. L’entité qui insère, assimile, incorpore ou naturalise, qu’elle soit sociale, culturelle ou politique ne change pas elle-même de nature, du moins si le tipping point, le seuil critique n’est pas atteint, si la quantité des apports n’est pas trop importante, elle se nourrit sans être transformée, elle absorbe sans être modifiée dans sa définition. Si le terme d’insertion semble connoter une société comprise comme une machinerie statique et le terme assimilation une société solidaire comme un corps vivant déjà là, qu’entend-on par intégration, quel modèle de la société, de la « cohésion » ou « solidarité », de ce qui tient la machine ensemble cette notion implique-t-elle ?

Que signifie donc intégrer, intégration ? L’étymologie est latine : integratio, rétablissement, renouvellement, réparation, d’où intègre, entier, non corrompu. En mathématiques, il s’agit de l’opération inverse de la différenciation qui va d’une grandeur finie aux infiniment petits qui la composent (d’une droit aux points qui la constituent pour fixer une image). Intégrer, c’est donc aller des infiniment petits à la grandeur finie, d’une myriade de points indiscernables au Tout d’une grandeur continue. Un système mécanique est intégré, si les mouvements de ses différentes parties se subordonnent au mouvement d’ensemble.

Cette notion est passée du langage mathématique au vocabulaire sociologique au XIXe siècle. Spencer est le premier pour qui l’intégration sociale désigne le passage d’un état diffus, imperceptible, à un état concentré, perceptible. L’esprit d’ensemble se fait jour par le développement d’un principe d’unité interne, celui-ci d’abord latent puis visible. Une unité se crée.

Comme l’assimilation, l’intégration au sens sociologique du terme désigne donc moins un état qu’un processus. Il s’agit d’abord ici de la création d’une forme d’unité ou d’une identité par l’apparition d’un processus interne de mise en relation d’une complexité hétérogène. D’où par exemple l’expression de « fonction intégrative du système nerveux » en physiologie. Le terme d’intégration appliquée à la réalité sociale renverra donc à une certaine définition de ce collectif et de son identité. C’est la société ou la nation qui est intégrée, qui devient une entité unifiée possédant une identité. C’est donc de l’intégration de la société autant que de l’intégration à la société des individus dont il est question. Pour Durkheim par exemple, c’est l’intégration des individus aux sous-systèmes des groupes professionnels, familiaux, qui permet l’intégration de la société elle-même, c’est-à-dire la production de son unité, la pérennisation de son existence, la redéfinition ou la réaffirmation de son identité.

Dans cet ordre d’idées : que voudra dire intégration des états nationaux à l’Europe ? S’agira-t-il d’un simple transfert de souveraineté ? ou de la création d’une entité politique et sociale nouvelle, l’Europe ? Par conséquent, la génération, les groupes ou les individus (migrants, etc.) qui n’intègreraient pas une société donnée posent le problème non seulement de leur socialisation ou de leur identité, mais aussi celui de l’Identité de la société. Celle-ci met en péril mais aussi réaffirme son identité par intégration. Son incapacité à intégrer signifie sa difficulté à affirmer sa propre identité.

L’intégration n’est donc pas seulement une voie moyenne entre insertion et assimilation, voie qui inclurait l’arrivant sans le transformer radicalement. Elle amène à une réflexion plus complexe et plus nuancée sur ce qu’est la société. Elle amène à considérer toute société comme cette forme d’identité qui dure en se modifiant par la vitalité des apports et de successives redéfinitions. L’apport des générations accédant à l’âge adulte, apport qui n’est ni automatique, ni naturel, mais aussi l’immigration sont constitutives d’une identité dynamique. Ces apports sont une richesse autant qu’un problème.3

Chez N. Robin, l’assimilation est une « intériorisation des normes et valeurs de la culture du pays d’accueil » (Robin, 1994:9)

 

Après Durkheim, en effet, d’autres sociologues reprennent cette conception, cherchent à la rendre opératoire. D’autres, au contraire, la renient pour des raisons théoriques. D’autres encore, comme Robert Castel, Jacques Donzelot et Dominique Schnapper, l’actualisent.4

R. Castel propose une relecture de la notion d’intégration chez Durkheim, p. 444-446 dans Les Métamorphoses de la question sociale, 1995.

Voir aussi Donzelot, p. 23-27 et 164 dans l’État-Animateur, 1994.

Enjeux

Réfléchir à l’intégration implique de questionner la nature de la société: est-ce qu’elle est dynamique ou construite sur une altérité.

Toute nation, et la France en particulier, est historiquement définie dans ce que l’on peut appeler une dynamique de l’identité, aucune n’est sortie toute armée et constituée d’un passé immémorial et n’a perduré identique et stable. Michelet, théoricien du nationalisme républicain, en particulier dans Le Peuple, montre la composition complexe d’une nation constituée lentement au cours des siècles. L’unité juridique, administrative, politique a été sans cesse réaffirmée par le travail d’intégration qui entretient le projet commun. C’est un processus, non un résultat. De plus, ce processus n’est ni réitératif, ni cyclique (Ce qu’au contraire supposent les métaphores de la « digestion » des différences que comporte la notion d’assimilation), mais progressif et ouvert.

La nation à la française n’a jamais été conçue comme une entité naturelle donnée, que ce soit géographiquement ou biologiquement, mais comme une volonté affirmée, une projet politique commun, une histoire remémorée (D. Schnaper 1990, B. Anderson 1996). La société française n’est pas statique mais donnée dans une dynamique historique de redéfinition et de réaffirmation permanente. L’immigration a contribué à cette vitalité et donc au renforcement de l’affirmation de l’identité de la France, non pas dans la fermeture mais par l’intégration : acceptation de nouveaux arrivants et redéfinition de l’identité nationale. Ce n’est pas une homogénéité déjà donnée (la « solidarité mécanique » fondée sur la transmission d’une tradition), mais une unité constituée à partir d’hétérogénéités qui constituent la France dans sa dimension d’objectivité sociale et historique (E. Durkheim, 1893). «La nation se constitue par le processus d’intégration continu » (D. Schnapper, 1990:81) sur une base juridique et politique. Sont intégrés des individus qui travaillent, militent, participent (la « solidarité organique » selon Durkheim, qui d’ailleurs emploie à ce sujet le terme d’intégration).

Selon notre analyse, le Nous ne se constitue pas, comme il est classiquement admis, seulement par la position d’un « autre » dont le rejet lui permettrait de réaffirmer son identité. La conscience communautaire ne produit pas seulement l’opposition à l’étranger dans une identification antagoniste. L’appartenance à la nation n’est pas une détermination naturelle (qui rendrait impossible l’intégration en une génération), elle est une identité dynamique qui intègre d’autant plus qu’elle est forte et est d’autant plus fortement affirmée qu’elle intègre activement et réactive ses forces usées par l’apport de nouveaux individus, que ce soit dans le domaine de la culture autant que de la production.

La difficulté de l’intégration ne tiendrait donc pas, dans ce schéma, au heurt entre des groupes de culture autochtones pris dans une identité sociale nationale et des éléments « étrangers » qui mettraient cette identité en crise. La dynamique de l’appartenance passe par l’apport d’hétérogénéités qui permettent de réaffirmer l’identité à laquelle elles s’intègrent.

La nation ainsi n’est pas un réceptacle, une entité stable, déjà là, mais elle s’est construite comme idée et comme réalité dans cette dynamique. Si l’intégration est en crise actuellement, c’est moins du seul fait de l’amplitude du flux migratoire ou de la distance que les religions et cultures des nouveaux arrivants entretiennent avec celles de la France, que de la capacité même de cette dernière à faire vivre son identité. La transformation des sociétés rurales d’Ancien Régime et leur intégration à l’unité de la nation, tout autant que l’assimilation des immigrés italiens, espagnols, polonais, portugais au XXe siècle ne se fit pas sans difficultés. Si celles-ci furent surmontées, cela est dû à la capacité de la nation de créer et de recréer sa propre identité. C’est aussi à sa capacité spécifique de créer du social, voire du culturel au travers de la reconnaissance de la citoyenneté des individus. « Ce processus d’intégration implique, à terme, la dissolution, le relâchement ou la relativisation des liens d’allégeance communautaires sur lesquels prime le sentiment d’appartenance nationale8 ». »5

La société industrielle a glissée de la solidarité vers la xénophobie en raison de la concurrence de l’emploi

« Il s’agit de l’intégration de la société, de la lente définition de son identité comme nation moderne dans ce passage du rural à l’urbain, intégration facilitée en France parce qu’Italiens ou Portugais, Espagnols ou Polonais n’étaient pas nettement en concurrence avec les autochtones sur le marché du travail, la condition ouvrière amenant de fait une solidarité pratiquée et rendue absolument nécessaire du fait de la dureté du travail (une équipe de mineurs non solidaires se met en danger).

Les difficultés récentes de l’intégration tiennent à la fragilité et à la frilosité de la définition de l’identité de la société française et de la nation. Les immigrés actuels étant par ailleurs en concurrence directe sur le marché du travail avec les classes sociales les plus défavorisées : l’ancienne classe ouvrière devient xénophobe, le déclin du syndicalisme ouvrier et de l’engagement communiste sera cause ou conséquence d’un électorat ouvrier pour l’extrême droite, et d’une définition réactive, réactionnaire et statique de la nation. La dynamique sociale en souffre. Les naturalisés français des immigrations italienne, espagnole, polonaise, portugaise ont intégré et ont contribué à intégrer la société française et fait évoluer son identité (la France s’identifiant par exemple à un individu nommé Platini). Le sens de la révolte qu’induit la stigmatisation propre à la condition d’exilé avaient amené nombre d’individus intégrés vers la politique ou à s’illustrer dans le domaine culturel (On suit sur ces divers points les analyses de G. Noiriel). » 6

Facteurs d’intégration

  • période de la vie
  • transitions
  • par qui, quand et où  se forment ses facteurs
  • travail => formation, expérience, durabilité
  • la langue
  • les codes culturels
  • le revenu
  • les réseaux